Principe et enjeux
Le désenfumage extrait les fumées et gaz brûlés générés lors d’un incendie. Il crée un flux d’air dirigé vers l’extérieur, abaissant la température et améliorant la visibilité dans les zones d’évacuation. Ce mécanisme réduit la toxicité de l’air, prévient les asphyxies et limite la propagation du feu par convection. Vous devez envisager le désenfumage comme un élément clé de votre stratégie de sécurité incendie, aux côtés des systèmes de détection et d’alarme.
Composants essentiels
Un système de désenfumage se compose généralement de :
- Grilles d’extraction et bouches d’air pour introduire de l’air frais
- Conduits ou gaines reliant les points de captage à l’extérieur
- Ventilateurs d’extraction (mécaniques) ou ouvrants motorisés (naturels)
- Centrale de commande avec liaison au Système de Sécurité Incendie (SSI)
- Détecteurs thermiques ou optiques pour déclenchement automatique
Chaque composant doit être sélectionné selon la typologie du bâtiment, le flux d’air nécessaire et les contraintes architecturales.
Types de systèmes
Deux grandes familles coexistent :
Type |
Principe |
Avantages |
Limites |
Désenfumage naturel |
Utilise la convection et la pression différencielle |
Coût énergétique nul, maintenance réduite |
Efficacité dépend des conditions climatiques |
Désenfumage mécanique |
Ventilateur dédié génère un flux constant |
Performance maîtrisée, adapté aux grands volumes |
Consommation électrique, entretien régulier |
Votre choix s’appuie sur la configuration des locaux, la hauteur sous plafond, la surface à protéger et la fréquence d’utilisation.
Connaître la réglementation
Normes nationales
La mise en place d’un système de désenfumage relève de l’arrêté du 25 juin 1980 modifié ainsi que de la norme NF S 61-932. Ces documents précisent les critères de dimensionnement, les matériaux autorisés et les tests à réaliser avant la réception. Vous devez vous appuyer sur ces références pour garantir la conformité de votre installation et faciliter les contrôles réglementaires.
Obligations ERP
Dans les établissements recevant du public (ERP), le désenfumage est obligatoire dès lors qu’un local fermé dépasse une hauteur sous plafond de 8 m ou un volume de 400 m³. Selon la catégorie d’ERP (1 à 4), la nature des locaux (circulations, salles, parkings) et l’usage (public, stockage, bureaux), des dispositions spécifiques s’appliquent. Vous devez :
- Identifier les zones à risque (circulations horizontales et verticales)
- Dimensionner les ouvrants et ventilateurs en fonction du volume à protéger
- Mettre en œuvre des clapets résistants au feu (F 120, F 400 selon le dossier)
Contrôles et sanctions
Des commissions de sécurité (SDIS, préfecture) inspectent les ERP périodiquement. En cas de non-conformité, elles peuvent exiger des travaux correctifs, suspendre l’exploitation ou prononcer des amendes. Vous devez :
- Planifier des visites annuelles ou semestrielles
- Tenir à jour le registre de sécurité
- Corriger les anomalies dans les délais impartis
Choisir votre système
Critères de sélection
Pour sélectionner un système de désenfumage adapté, examinez :
- Surface et volume des locaux
- Hauteur sous plafond et architecture (vasistas, toitures, parois vitrées)
- Type d’activité et densité d’occupation
- Conditions climatiques (vents dominants, températures extrêmes)
- Budget initial et coûts d’exploitation
Performances et débits
Le débit d’extraction doit couvrir le volume du local selon un taux de renouvellement minimal, généralement 5 volumes d’air par heure. Vous pouvez estimer le débit nécessaire ainsi :
Volume du local |
Taux de renouvellement |
Débit requis |
600 m³ |
5 vol/h |
3 000 m³/h |
1 000 m³ |
5 vol/h |
5 000 m³/h |
Les fiches techniques fabricants précisent le débit nominal et la pression disponible, deux paramètres clés pour le dimensionnement.
Compatibilité SSI
Le désenfumage s’intègre au SSI de catégorie 1 ou 2 selon la taille de l’ERP. Vous devez prévoir :
- Liaison aux détecteurs d’alarme incendie
- Carte de commande assurant le déclenchement en cas d’alarme ou manuellement
- Signalisation des états (ouvert, fermé, défaut) sur la centrale
- Alimentation de secours conforme (batteries, groupe électrogène)
Préparer l’installation technique
Diagnostic et audit
Avant toute mise en œuvre, réalisez un audit complet :
- Relevés dimensionnels (plans, volumes)
- Analyse des cheminements d’évacuation
- Identification des contraintes (infrastructure, charges, façades)
- Évaluation des réseaux existants (électricité, ventilation)
Ce diagnostic sert de base au cahier des charges et permet d’anticiper les adaptations nécessaires.
Planification du chantier
Une bonne planification optimise les délais et réduit les interruptions d’activité. Prévoyez :
- Un phasage clair (préparation, gros œuvre, finitions)
- Les autorisations administratives (permis de construire, déclaration préalable)
- Une coordination multi corps d’état (électricien, serrurier, façadier)
- Des plages d’intervention en dehors des heures d’exploitation si possible
Calibrage des équipements
Le positionnement des grilles et l’orientation des conduits influent sur l’efficacité du tirage. Vous devez :
- Calculer la surface d’ouverture nécessaire
- Vérifier l’absence de obstacles (murs, poteaux)
- Choisir des clapets et volets adaptés à la pression générée
- Prévoir des organes de réglage (battants, registres) pour ajuster le débit
Réaliser la pose du système
Installation des grilles et conduits
La pose débute par la fixation des grilles d’extraction et des châssis motorisés. Assurez-vous de :
- Respecter les hauteurs minimales (1,80 m au moins pour les ouvrants sur façade)
- Calfeutrer les points de jonction pour éviter les infiltrations d’eau
- Utiliser des matériaux résistants au feu (acier galvanisé, inox)
Raccordements électriques
Les ventilateurs et moteurs des châssis nécessitent une alimentation dédiée, protégée et labellisée. Vous devez :
- Installer un circuit électrique séparé avec disjoncteur différentiel
- Prévoir une alimentation de secours par batterie ou groupe électrogène
- Repérer clairement les câbles liés au SSI pour la maintenance
Tests fonctionnels
Avant la réception, procédez à des essais conformes à la norme NF S 61-932 :
- Vérification de l’ouverture automatique sous tension
- Contrôle de la fermeture manuelle et de l’étanchéité
- Mesure du débit réel et comparaison avec les valeurs calculées
- Simulation d’une alarme incendie pour valider la liaison SSI
Un procès-verbal de réception doit être établi, listant les observations et les ajustements éventuels.
Assurer la maintenance
Entretiens périodiques
Le bon fonctionnement sur la durée repose sur des contrôles réguliers. Vous devez :
- Inspecter visuellement les grilles et conduits tous les 6 mois
- Faire vérifier les motorisations et mécanismes par un technicien agréé annuellement
- Nettoyer les surfaces d’extraction pour éviter l’encrassement
Vérifications réglementaires
Le code du travail impose un contrôle au moins une fois par an par un organisme habilité. Ce contrôle porte sur :
- L’état des organes de commande et de sécurité
- La conformité des fixations et supports
- Le respect des performances initiales (débit, pression)
Vous devez archiver le rapport de visite et intégrer les préconisations dans votre plan de maintenance.
Gestion des incidents
En cas d’anomalie détectée (défaut d’ouverture, baisse de débit), procédez de la façon suivante :
- Consigner l’incident dans le registre de sécurité
- Diagnostiquer l’origine (mécanique, électrique, obstruction)
- Programmer une intervention corrective prioritaire
- Vérifier la remise en service par un nouveau test fonctionnel
Maintenir la sécurité
Formation du personnel
Un système ne suffit pas sans une équipe préparée. Organisez :
- Des sessions de formation à l’utilisation manuelle des commandes de désenfumage
- Des ateliers d’analyse de plans d’évacuation et de repérage des ouvrants
- Un recyclage annuel pour tenir compte des évolutions réglementaires
Exercices d’évacuation
Les exercices permettent de valider les procédures et d’identifier les points de blocage. Réalisez :
- Deux exercices annuels minimum, dont un en conditions dégradées (faible luminosité)
- L’évaluation des temps d’évacuation et des réactions face aux fumées simulées
- Un debriefing pour ajuster les consignes et renforcer la signalétique
Documentation et suivi
Pour garantir une traçabilité, vous devez tenir à jour :
- Le registre de sécurité mentionnant chaque visite, test et exercice
- Les fiches techniques des équipements et plans de positionnement
- Les comptes rendus de formation et d’exercice, annexés au dossier de sécurité
Synthèse et recommandations
Principaux enseignements
- Le désenfumage constitue un complément indispensable à l’alarme incendie pour assurer l’évacuation et la protection des occupants.
- La conformité réglementaire repose sur l’arrêté du 25 juin 1980 modifié et la norme NF S 61-932, avec des obligations spécifiques aux ERP.
- Le dimensionnement, l’installation et la maintenance exigent un diagnostic rigoureux, un cahier des charges détaillé et l’intervention de professionnels agréés.
Prochaines étapes
- Réaliser ou mettre à jour votre audit incendie pour identifier les zones nécessitant un désenfumage.
- Élaborer un plan d’action chiffré intégrant choix du système, planning de travaux et budget de maintenance.
- Former votre personnel et programmer les exercices d’évacuation pour valider l’efficacité du dispositif.
- Mettre en place un suivi annuel incluant contrôles réglementaires et plan de maintenance préventive.
En appliquant ces recommandations, vous renforcez la sécurité de vos locaux et assurez une réponse rapide et maîtrisée en cas d’incendie.